Les Juifs d’Orient, de l’Antiquité aux premiers temps de l’islam

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Bien avant l’avènement du christianisme et de l’islam, les juifs, originaires de Judée, se sont installés le long des rives de l’Euphrate, sur la côte méditerranéenne et au cœur de la péninsule arabique.

Les prospections archéologiques menées depuis 1990 sur le territoire de Canaan ont permis d’attester la présence des juifs dans cette région carrefour à partir de 1200 avant notre ère, mais ce n’est qu’au Xe siècle av. J.-C. que David (guerrier, musicien et poète dont le nom signifie le «Bien-aimé») conquiert la cité de Jérusalem et décide d’en faire la capitale de son royaume. Il y installe alors l’Arche d’alliance (point de rencontre entre Dieu et son peuple) et caresse le projet d’y édifier un temple. Son rêve sera exaucé par son fils Salomon, passé à la postérité pour avoir entretenu des relations paisibles avec ses voisins (l’une de ses épouses est la fille du pharaon d’Égypte), consolidé l’unité du pays et ébloui la reine de Saba par la sagacité avec laquelle il répondit à ses énigmes.

La chute du royaume d’Israël et de Juda

D’autant plus brutale sera, en 722 avant notre ère, la chute du royaume d’Israël au nord, puis de Juda au sud, suivie de la destruction du Premier Temple de Jérusalem en 587 av. J.-C. par le roi de Babylone Nabuchodonosor II. La perte de ce symbole de l’identité religieuse et la condamnation à l’Exil vont ébranler pendant de longs siècles la conscience du peuple juif. La destruction du Second Temple, en 70 ap. J.-C., par les légions romaines commandées par l’empereur Titus, sonne comme un nouveau traumatisme, précipitant à nouveau les juifs hors de Jérusalem.

La migration du peuple juif

Emportant avec eux leurs rouleaux de la Torah, mais aussi leurs modes de vie, leur imaginaire et leurs symboles, les juifs vont s’installer pendant de longs siècles dans des contrées qui deviendront leur nouvelle patrie, tissant des liens affectifs et spirituels avec les populations autochtones qu’ils rencontrent. D’Alexandrie à Antioche, en passant par Volubilis au Maroc, c’est cette histoire faite de rencontres et d’échanges, et parfois même d’hybridations, qui va se jouer le long du pourtour méditerranéen comme au cœur de la péninsule arabique. Si leur langue liturgique demeure l’hébreu, les populations juives, de langue araméenne, vont adopter les langues locales (le grec, le latin, puis l’arabe…) et déployer leur vocabulaire symbolique et artistique au gré des nouveaux supports mis à leur disposition: mosaïques, papyrus, textiles.

Cependant, un lieu incarne, plus que tout autre symbole, ce lien indéfectible des communautés avec leur patrimoine matériel comme spirituel : la synagogue. Son apparition inaugure une conception radicalement nouvelle de la pratique religieuse. Alors que pendant des siècles le Temple de Jérusalem fut le seul lieu où les prêtres étaient autorisés à officier, les premières synagogues, en tant qu’espace de rassemblement de la communauté, naissent vers le IIIe siècle avant notre ère au cœur des royaumes hellénisés d’Asie Mineure, d’Égypte ou de Syrie, avant de gagner la Palestine ou d’autres territoires investis par la diaspora juive. Édifiés hors de la Terre Sainte, ces monuments n’en déclinent pas moins tous les symboles du judaïsme : le menorah (le chandelier à sept branches), le loulav (la branche de palmier dattier) et le shofar (la corne de bélier). Mais l’une des découvertes archéologiques les plus retentissantes du siècle dernier fut, sans conteste, celle des peintures murales qui ornaient les murs de la synagogue de la ville hellénistique et romaine de Doura Europos, en Syrie.

Ainsi, au IIIe siècle de notre ère, les murs d’une salle de prière pouvaient accueillir des scènes bibliques figuratives, remettant ainsi en question toutes les théories concernant l’inexistence de la représentation humaine dans l’art juif, de surcroît à une période si haute. « Nous nous tenions dans un silence muet et un étonnement complet », se souviendra, ému, l’archéologue américain Clark Hopkins lors de la découverte de la synagogue, au début des années 1930, pendant une campagne de fouilles franco-américaine. Répondant à un programme iconographique précis (confirmer la Providence particulière de Dieu envers son peuple en évoquant tous les épisodes dans lesquels Israël sort vainqueur des épreuves), ces œuvres raffinées n’en demeurent pas moins d’exceptionnels témoignages artistiques en raison du naufrage de la peinture grecque antique. Il est probable que leurs auteurs disposaient de modèles, voire étaient de confession juive, comme le suggèrent certains éléments symboliques du décor. C’est à proximité des oasis qui jalonnent l’ancienne route de l’encens que d’autres communautés juives vont s’implanter dès le IIIe siècle de notre ère en Arabie. Totalement intégrées au monde tribal, parlant la langue arabe, elles seront les premières à entrer en contact au VIIe siècle avec l’islam naissant. Cette histoire partagée inaugure un nouveau chapitre de quinze siècles, scandé de dialogues et d’enrichissements réciproques, mais aussi de brimades et de persécutions.

Source connaissancedesarts