Inquiètes, synagogues et institutions juives ont renforcé leurs dispositifs de sécurité après la prise d’otages de Colleyville. Elles y sont tristement habituées.
« C’était terrifiant. Nous avons été dépassés et nous sommes toujours en train de digérer ce qu’il s’est passé. » Sur la chaîne américaine CBS, lundi matin 17 janvier, le rabbin Charlie Cytron-Walker parle d’une voix lente et mesurée en racontant la prise d’otages dont il a été victime dans sa synagogue de Colleyville (Texas), dans la nuit de samedi à dimanche. Celle-ci s’est soldée par la mort du ravisseur, un ressortissant britannique nommé Malik Faisal Akram, et la mise en sécurité des quatre captifs.
Malgré cette issue positive, l’émotion n’est pas retombée au sein de la communauté juive américaine, déjà très inquiète pour sa sécurité. Dans son rapport annuel de 2021 sur l’antisémitisme, l’AJC (American Jewish Committee), une influente organisation juive outre-Atlantique, indique que 24 % des 1 500 juifs sondés font état d’actes antisémites visant les institutions qu’ils fréquentent. Et 82 % d’entre eux considèrent que le phénomène est en hausse aux États-Unis – un sentiment partagé par seulement 44 % des non-juifs. « Je suis en colère et indigné que, dans l’Amérique du XXIe siècle, les juifs qui veulent simplement exercer leur foi pendant shabbat encourent un danger », a dit le président de l’AJC, David Harris, dimanche.
« Dame d’Al-Qaida »
Beaucoup de personnalités juives craignent désormais que cette prise d’otages ne soit pas considérée comme un acte de haine contre leur communauté. Un sentiment amplifié par le commentaire de l’agent spécial du bureau du FBI à Dallas chargé de coordonner la réponse à l’attaque. Ce dernier a affirmé initialement que les revendications du terroriste « n’étaient pas liées spécifiquement à la communauté juive ». Les agissements du preneur d’otages auraient été motivés par la libération d’Aafia Siddiqui, une terroriste qui purge une peine de 86 ans de prison au Texas. La Pakistanaise, surnommée « Dame Al-Qaida », était connue des associations juives pour ses propos antisémites.
Si le FBI s’est repris dimanche soir, l’éditorialiste conservatrice Bari Weiss a regretté que les médias et les autorités ne décrivent pas de manière plus franche la prise d’otages comme un acte antisémite. En cause, d’après elle : le fait que le ravisseur n’a pas le profil d’un extrémiste de droite, à la différence du suprémaciste blanc derrière la tuerie à la synagogue Tree of Life (« Arbre de la vie ») à Pittsburgh en 2018. « Malik Faisal Akram n’était pas blanc, il ne parlait ni des nazis ni de Hitler, mais d’une injustice commise contre une djihadiste », observe la journaliste.
Un abri et du thé
Pour le rabbin Rick Jacobs, président d’une coalition d’organisations juives réformées, l’antisémitisme qui sous-tend l’action du preneur d’otages ne « fait aucun doute ». « Il n’a pas attaqué un centre commercial ou un McDonald’s. Il s’est rendu à un lieu de culte un jour où l’on se rassemble pour prier. »
Joe Biden a reconnu que l’antisémitisme avait grandi dans son pays et a cherché à rassurer la communauté juive, affirmant que son gouvernement ne « tolérera pas » de telles manifestations de haine. En attendant des mesures concrètes, synagogues et autres institutions juives ont accru leurs dispositifs de sécurité et leurs protocoles d’accueil. Le rabbin Cytron-Walker avait laissé entrer son ravisseur dans la synagogue en pensant qu’il avait besoin d’un abri. Il lui a offert du thé avant que l’homme ne sorte une arme.
Alexis Buisson