Accusé d’avoir agressé une vingtaine de personnes, dont des mineurs, pendant vingt-cinq ans, l’auteur à succès Chaim Walder s’est suicidé lundi 27 décembre, provoquant un réveil parmi les « haredim ».
Le coup de feu a retenti lundi 27 décembre à 13 heures dans le cimetière de Petah Tikva, dans le centre d’Israël. À leur arrivée, les policiers ont trouvé le corps d’un homme de 53 ans, portant les vêtements traditionnels de la communauté ultra-orthodoxe, inerte près de la tombe de son fils, mort des années plus tôt d’un cancer.
Dans la communauté juive ultra-orthodoxe, Chaim Walder était un véritable colosse. Né en 1968, c’est en tant qu’instituteur dans une école religieuse qu’il a découvert le pouvoir des histoires pour communiquer avec les enfants. Ses livres ont eu un succès fulgurant et un effet révolutionnaire. « Ils donnent un espace aux émotions et aux sentiments des enfants », explique Yaïr Ettinger, journaliste pour la télévision Kan, et spécialiste de la communauté.
Deux générations ont grandi avec les livres de Walder. Avec son palmarès d’auteur à succès, l’homme s’est taillé une place unique chez les ultra-orthodoxes. Il était thérapeute de couple et animateur de camps pour enfants, où l’on pratiquait l’art comme méthode d’expression. Il était aussi un commentateur apprécié, publiant régulièrement dans le quotidien ultra-orthodoxe Yated Ne’eman. Son statut de star lui avait même permis de transpercer les murs invisibles qui séparent les ultra-orthodoxes de leurs concitoyens. Apprécié par la communauté religieuse nationaliste, il était devenu, peu à peu, un de ses visages aux yeux de la société israélienne.
22 personnes ont porté plainte
Alors en novembre, lorsque le quotidien israélien laïc Haaretz a révélé que trois femmes accusaient l’icône de viols, le coup de tonnerre a été violent. Un choc énorme mais cathartique puisque plusieurs autres victimes se sont ensuite manifestées. Vingt-deux personnes en tout, femmes, filles et garçons, ont porté plainte auprès de la cour rabbinique de Safed, qui juge les crimes sexuels dans la communauté. Toutes ont témoigné dimanche 26 décembre de vingt-cinq années d’abus subis. Chaim Walder, qui s’était confiné chez lui depuis les révélations, s’est donné la mort le lendemain.
Le tollé ne concerne pas que lui. « Il y a un réveil à travers toute la communauté », dit Aaron Rabinowitz, auteur, avec sa collègue Shira Elk, des révélations dans le Haaretz. « Pendant des années, les ultra-orthodoxes ont voulu gérer leurs problèmes dans l’entre-soi. Ces révélations permettent de dire aux victimes : vous n’êtes pas folles, ces choses se sont vraiment passées. »
Aaron Rabinowitz et Shira Elk font tous les deux partie d’un groupe de jeunes issus de la communauté haredi, baptisé lo tishtok (« on ne se taira pas »), qui veulent bousculer le statu quo. Journalistes, artistes, militants, ils sont convaincus de la nécessité de casser la culture du silence qui y prévaut. « Depuis novembre, plusieurs amis sont venus vers moi pour me dire : “Ça m’est aussi arrivé”, ajoute Aaron Rabinowitz. Je pense que 95 % de la communauté est de notre côté. »
L’auteur déchu réhabilité par les autorités religieuses
« Certains parlent d’un moment MeToo, mais c’est loin d’être le cas, tempère Yaïr Ettinger. Ce genre de chose aurait certes été impossible il y a cinq ans, car la communauté est plus ouverte, et la technologie et les médias ont changé la donne. Mais il faudra du temps pour digérer tout cela. »
Surtout pour le leadership : mardi à la nuit tombée, les funérailles de Chaim Walder ont eu lieu en présence de rabbins influents. L’auteur déchu a été réhabilité par les autorités religieuses, qui ont autorisé son enterrement à l’intérieur du cimetière, normalement interdit aux personnes qui ont mis fin à leurs jours.