Harry B. Macklowe, né en 1937 dans une famille juive, est promoteur et investisseur immobilier à New York. Sa séparation de son épouse Linda Burg est aussi folle que celle de Bill Gates.
Avec les décès et les faillites, les séparations animent souvent le marché de l’art. Une nouvelle manifestation de l’effet 3D — « death, debt and divorce », en anglais — aura lieu le 15 novembre à New York : Sotheby’s vend 36 œuvres modernes et contemporaines d’un couple, Harry et Linda Macklowe, dont le divorce a fait le miel des tabloïds américains. En mai 2022, 29 autres œuvres seront mises aux enchères.
Leur séparation n’est pas aussi coûteuse que celle des multimilliardaires Jeff et MacKenzie Bezos ou Bill et Melinda Gates. Mais les 65 œuvres de la collection des Macklowe, constituée en cinquante-six ans de vie commune, est toutefois évaluée à 500 millions d’euros. Soit la plus importante dans l’art de l’après-guerre et contemporain à passer sous le marteau.
A l’inventaire, les grands noms de l’art tels Mark Rothko, avec un dégradé de rose, vert et orange, ou Giacometti avec Le Nez. Deux œuvres estimées chacune entre 70 millions et 80 millions de dollars (entre 60 millions et 70 millions d’euros). Ou encore Andy Warhol, avec un tableau multipliant l’image de Marilyn Monroe, estimé entre 40 millions et 60 millions de dollars (entre 34 millions et 52 millions d’euros), sans oublier un Jeff Koons de 1986 représentant un service de verres Baccarat reproduit en acier inoxydable.
Luxueux gratte-ciel
Peu connu du grand public, Harry Macklowe est un vieux loup des affaires spécialisé dans l’immobilier, à la carrière ponctuée de coups de génie et d’épisodes moins glorieux. En 1985, à la veille d’un moratoire sur les démolitions de bâtiments à New York, le promoteur immobilier ordonne la destruction précipitée, de nuit, de plusieurs hôtels dans Manhattan. Au terme d’un procès l’opposant à la ville de New York, il doit payer 2 millions de dollars de dommages.
Le luxueux gratte-ciel résidentiel qu’il a construit en 2015 au 432 Park Avenue, brièvement le plus haut de la ville, a séduit de grandes fortunes, comme le marchand d’art Helly Nahmad ou l’actrice Jennifer Lopez, qui a depuis revendu son appartement. Mais cette tour de verre se révèle truffée de malfaçons. Dégâts des eaux dus à une plomberie déficiente, défauts dans les structures métalliques… En février, le New York Times a révélé les nombreuses récriminations des occupants, qui s’estiment dupés.
C’est en quittant son épouse, Linda Burg, qu’Harry Macklowe est devenu un people. L’affaire commence en 2016, quand le promoteur immobilier, déjà octogénaire, lui annonce sa passion pour Patricia Landeau, présidente de l’association des Amis français du Musée d’Israël, à Jérusalem. Cette pétillante femme d’affaires française, rencontrée trois ans plus tôt, est de dix-huit ans sa cadette.
Billionaire developer Harry Macklowe gets married https://t.co/qe2TLNGWGX pic.twitter.com/4i3iqw7Rf1
— New York Post (@nypost) March 8, 2019
Au risque de froisser la susceptibilité de Linda, le vieux divorcé devenu jeune marié déploie, en mars 2019, un portrait géant de sa nouvelle épouse, à côté du sien tout sourire, sur la façade du 432 Park Avenue. Quoique signée Studio Harcourt, cette photo ait accru la hargne des avocats de sa première épouse.
Les Macklowe parviennent à partager certains de leurs biens pour un montant de 2 milliards de dollars. A Linda, le luxueux appartement au Plaza Hotel avec vue sur Central Park, estimé 72 millions de dollars. Harry garde le yacht (23,5 millions de dollars) ainsi que sa collection de voitures anciennes.
600 millions de dollars garantis
En revanche, les deux parties ne s’entendent pas sur la valeur de leurs 150 œuvres, se déchirant sur l’estimation des 65 pièces les plus précieuses. Harry Macklowe avance le chiffre de 788 millions de dollars, Linda ne l’évalue qu’à 625 millions. Pour les départager, la juge Laura Drager en ordonne alors la vente.
Les trois principales maisons de vente aux enchères, Sotheby’s, Christie’s et Phillips, sont sollicitées en janvier 2020. A charge pour Michael Findlay, ancien de Christie’s et directeur de la respectable galerie Acquavella, de jauger leurs propositions et de superviser la dispersion.
Sotheby’s, qui a finalement emporté le morceau, sort le grand jeu. Malgré les difficultés de circulation des hommes et des œuvres dues à la pandémie, la maison de vente de Patrick Drahi expose quelques trophées dans pas moins de sept villes : Hongkong, Taipei, Shanghaï, Tokyo, Los Angeles, Londres et Paris. Sotheby’s garantit aussi les vendeurs à hauteur de 600 millions de dollars, une somme que les Macklowe recevront quelle que soit l’issue de la vente.
La mise aux enchères de la collection Macklowe atteindra-t-elle le milliard de dollars, détrônant la vente de tableaux et de mobilier de David et Peggy Rockefeller, qui avait atteint 835 millions de dollars chez Christie’s en 2018 ? « Elle va battre tous les records », prédit l’art advisor Valérie Cueto, à New York. Grégoire Billault, responsable de l’art contemporain chez Sotheby’s à New York, en est également convaincu : « Depuis l’annonce de la vente, en septembre, mon téléphone ne cesse de sonner. »