Le frère du Mike Brant, qui s’est suicidé en 1975 à l’âge de 28 ans, revient sur la vie tragique d’un artiste toujours aussi populaire. Hommage en vidéos!!!
« Laisse-moi t’aimer », chantait Mike Brant. Au final, c’est avec son public que la légende des années 1970 a vécu le plus grand amour et a fait « le plus long et le plus beau des voyages » ! Après cinq années de gloire, 47 tubes et 33 millions de disques vendus, Moshé Brand (de son vrai nom) décédait le 25 avril 1975, à l’âge de 28 ans, en tombant du 6e étage d’un immeuble parisien.
Quarante-six ans après, le chanteur israélien est toujours aussi présent dans le cœur de ses fans. D’où, en moins d’un an, la diffusion sur France 3 du documentaire Mike Brant, l’étoile filante, la sortie d’un coffret anthologie, d’un vinyle, d’un double best of et l’inauguration de deux places dédiées à sa mémoire ! À l’occasion de l’anniversaire de sa mort, son frère Zvi Brant a accepté de revenir sur le parcours de la star, son enfance, ses liens avec ses parents, ses traumatismes, sa disparition, ses funérailles et même ses relations avec Dieu et les femmes ! Interview exclusive.
Le Point : Aujourd’hui, cela fait quarante-six ans que votre frère nous a quittés. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Zvi Brant : Les années passent, mais il me manque toujours autant. Nous étions très proches, Mike et moi. En même temps, je suis très touché de voir qu’il est toujours aussi présent dans le cœur des gens. Cette reconnaissance me semble incroyable et magique, même si elle est méritée. Mike fait partie du patrimoine de la chanson au-delà des frontières et donc, pour sa mémoire et sa famille, cela représente énormément.
Parlez-nous de l’avenue inaugurée en son nom en Israël en août dernier…
Je suis très heureux que la ville d’Haïfa lui ait enfin décerné le respect qu’il mérite. Mike et moi avons grandi à Haïfa. Il était temps que la municipalité honore son fils devenu une vedette internationale ! Par ailleurs, quelques mois auparavant, une place lui a aussi été dédiée près de l’avenue Georges-Mandel, dans le 16e arrondissement de Paris, où il a vécu.
Comment expliquez-vous que, 46 ans après sa disparition, Mike ait encore autant de fans ?
Parmi ses tubes « Laisse-moi t’aimer », « Qui saura », « Rien qu’une larme », « C’est ma prière », quel est votre préféré ?
J’aime toutes les chansons de Mike, mais j’ai une préférence pour le titre « Parce que je t’aime plus que moi ». « Dis-lui » est aussi magnifique.
De qui Mike tenait-il ce don dans la chanson ?
Notre mère n’avait pas du tout l’oreille musicale, contrairement à notre père qui venait d’une famille très mélomane. Quand Mike a commencé à chanter dans les hôtels israéliens, c’était très important pour lui que notre père vienne le voir. Mais il n’a jamais accepté. Je me souviens qu’une fois ma mère lui a dit : « Fichel, les gens se précipitent pour écouter ton fils. Pourquoi tu ne veux pas venir au moins une fois ? » Il lui a répondu : « Bronia, tu veux me tuer ? » Notre papa avait des problèmes de cœur et il avait peur d’avoir une crise cardiaque en écoutant Mike. Du coup, il n’est jamais venu et Mike en a beaucoup souffert.
Il a été dit que Mike était traumatisé par la Shoah… Votre maman Bronia Rosenberg, rescapée d’Auschwitz, vous parlait-elle souvent de ce qu’elle a vécu ?
Non, jamais. Mais on ressentait l’atmosphère de la Shoah dans la maison. C’était déprimant. Aussi, je me souviens très bien du jour qui a bouleversé Mike. J’avais 6 ans et lui, 9. Une femme prénommée madame Clara a frappé à la porte de la maison et a demandé à voir Bronia. Mon père lui a dit qu’elle était à l’hôpital et, là, elle s’est mise à pleurer et à raconter tout ce qui s’était passé à Auschwitz, où elle avait été internée avec notre mère. Nous avons écouté toute l’histoire… Mike était sous le choc ! Depuis ce jour, il est resté traumatisé ! Nous étions loin d’imaginer tout ce que notre mère avait subi. Ensuite, mon père nous a conduits à l’hôpital. Dès qu’elles se sont vues, ma mère et Mme Clara sont tombées dans les bras l’une de l’autre et ont éclaté en sanglots. Elles ont continué à parler des atrocités vécues dans les camps… C’était tragique et Mike a pris tout cela de manière très profonde. Aussi, je pense qu’inconsciemment il a décidé de se réfugier dans la musique pour oublier. Car, à partir de ce jour, il s’est mis à chanter à chaque mariage et autre événement familial !
Quelles anecdotes pouvez-vous raconter sur les débuts de sa carrière ?
Je me souviens qu’à l’âge de 16 ans Mike devait assurer son premier spectacle pour la soirée de la Saint-Sylvestre à l’hôtel Zion d’Haïfa. Or il s’est réveillé le matin totalement aphone. Affolé, il a demandé à notre père : « Mais comment je vais faire pour chanter ce soir ? » Mon père lui a dit de boire du lait avec du miel. C’est donc ce que Mike a fait, alors qu’il détestait les laitages. Résultat, il n’a pas arrêté de vomir, mais cela lui a permis de chanter pour le réveillon ! Ce soir-là, quelqu’un l’a repéré et lui a fait signer son premier contrat… La suite, vous la connaissez, sa carrière a décollé à une vitesse vertigineuse !
Comment, au vu de sa notoriété, Mike se comportait-il avec vos parents ?
Mike était un bon fils et avait un très grand cœur ! Je me souviens qu’une fois nous étions invités à un mariage et ma mère s’est rendu compte qu’elle avait perdu la montre que mon père lui avait offerte après Auschwitz pour leurs fiançailles. Elle était terriblement peinée. Mike était alors tout petit. Puis les années ont passé. Mon père nous a quittés. Et un jour, alors qu’il était en pleine gloire, Mike a fait une escale à Tel-Aviv juste pour remettre un paquet à ma mère à l’aéroport. C’était une montre en or blanc plaquée avec des diamants ! Ma mère l’a traité de fou ! Mais Mike a expliqué qu’il n’avait jamais oublié le moment où elle avait perdu la montre de papa ! C’était aussi un moyen pour lui de rendre hommage à notre père, qu’il adorait. D’ailleurs, un jour, je lui ai demandé : « Tu as réussi, obtenu tout ce que tu désirais, que souhaiterais-tu aujourd’hui ? » Et il m’a répondu : « Je donnerais tout ce que j’ai pour revoir notre père juste cinq minutes. » Et d’ajouter : « Zvi, j’ai pressé tout le jus de ce monde. Si je dois mourir demain, j’ai goûté les meilleures choses de la vie. » Il n’avait que 22 ans.
Alors justement, plusieurs thèses ont été évoquées concernant sa mort. Connaissez-vous la vérité ?
Toute ma vie, on m’a demandé si Mike avait été assassiné ou s’il s’était donné la mort. Je pense sincèrement qu’il s’est suicidé. Personne ne sait réellement ce qui s’est passé dans l’appartement où Mike était la nuit de sa mort. Mais ce que je peux dire, c’est qu’un mois après sa disparition nous sommes allés à Paris rencontrer Jeanine, l’amie chez qui il était cette dernière nuit. Elle nous a expliqué que Mike dormait profondément. Elle était dans la salle de bain lorsqu’elle a entendu le téléphone sonner et Mike décrocher. Quand elle est revenue dans la chambre, il n’était plus là. Elle s’est précipitée sur le balcon et a vu qu’il s’était défenestré… Son geste était-il lié à l’appel reçu ? À sa dépression ? Personne n’a compris, d’autant que ce jour-là sortait son nouveau titre « Dis-lui » et que, deux jours auparavant, ils étaient convenus avec Jean Renard de signer un nouveau contrat.
Parlez-nous de sa première tentative de suicide…
C’était le 22 novembre 1974. À bout, Mike s’était jeté du cinquième étage de l’hôtel de la Paix, à Genève. Ma mère est allée le voir à l’hôpital de Genève. Elle hurlait dans sa chambre « Mon fils, que s’est-il passé ? » Mike lui a simplement répondu : « J’ai fait quelque chose de stupide, maman. Je suis désolé. » Ma mère a alors discuté avec son psychiatre, qui lui a assuré que Mike n’était pas malade d’un point de vue psychiatrique mais qu’il était très affaibli psychologiquement. Ma mère voulait alors le ramener en Israël pour rencontrer des psychiatres israéliens qui comprennent les traumatismes liés à la Shoah. Mais Mike a refusé. Il a confié à ma mère que sa dépression avait commencé au Canada, où il était allé pour voir sa petite amie Guita qu’il a retrouvée dans les bras d’un autre. Que son état s’était aggravé à son retour à Paris en découvrant qu’il avait été cambriolé. Il est alors parti à l’hôpital de Genève pour suivre un traitement. Et, un jour, il a rejoint son producteur Simon Wajntrob à l’hôtel de la Paix de Genève pour lui dire qu’il n’allait pas bien du tout et qu’il avait besoin de deux-trois mois de repos. Simon s’est énervé en lui rappelant qu’il devait honorer son contrat. Les deux hommes se sont disputés. Simon est parti prendre une douche et, lorsqu’il est sorti de la salle de bain, Mike avait sauté par la fenêtre. Aussi, lorsque les médias évoquent un éventuel assassinat par son producteur, je pense que c’est parce qu’il y a eu une confusion entre ce qui s’est passé lors de sa première tentative de suicide et la nuit fatidique !
Comment avez-vous appris la nouvelle ?
Je m’en souviens comme si c’était hier ! J’étais chez ma mère en Israël. C’était un vendredi. Nous étions en train de faire la sieste après le déjeuner. J’avais décroché le combiné du téléphone pour que l’on ne soit pas dérangés. On dormait profondément quand un très bon ami de Mike a sonné à la porte. Il m’a demandé : « Vous dormez ? Vous n’avez pas entendu les nouvelles ? » Puis, il m’a fixé du regard et m’a balancé : Mike est mort ! » Je ne voulais pas le croire. J’étais sous le choc. !Il m’a alors emmené dehors pour appeler Radio Israël, qui m’a confirmé l’information. Mon cœur s’est mis à battre très fort. J’ai immédiatement pensé à ma mère et à la façon dont j’allais pouvoir lui apprendre cela. En rentrant à la maison, j’ai vu plein de gens dans notre salon. Ma mère m’a demandé ce qui se passait. Je l’ai alors prise à part dans la chambre et je lui ai annoncé la nouvelle. Elle s’est mise à hurler : « Non, ce n’est pas possible ! Ce n’est pas possible ! Je l’ai vu à Genève. Il était bien ! » Ma mère était totalement dévastée après la mort de Mike. Puis, soudainement, elle a réussi à se ressaisir. Elle a eu le sentiment qu’il était toujours vivant et en tournée. Elle me répétait : « Dieu m’a aidée à traverser cette tragédie. »
Comment ses funérailles se sont-elles passées ?
Quand nous avons appris la nouvelle, nous sommes allés à Paris et nous avons ramené le corps de Mike en Israël. Il a été enterré pas loin de notre père à Haïfa. Il y avait énormément de monde à ses obsèques. Tout de suite après, ma mère a acheté une place au cimetière près de Mike. Elle est morte 8 ans après et a été enterrée à ses côtés.
Est-ce que Mike croyait en Dieu ?
Énormément ! Mais il n’en parlait jamais. C’était une personne très pudique. Après sa mort, nous sommes allés à Genève avec ma mère et nous avons rencontré Bertrand, qui s’occupait des relations publiques de Mike. Il nous a remis deux valises de vêtements. Toutes ses affaires étaient super bien pliées et, en dessous, nous avons trouvé une grosse bible avec une couverture en argent. Ma mère n’en revenait pas. Nous ne connaissions rien sur Mike. Il ne parlait ni de sa foi ni de sa vie sentimentale…
Alors, justement, comment était-il avec les femmes ?
Mike était un homme à femmes. Il les aimait et les femmes l’aimaient. Mais il ne pouvait pas avoir de relation sur le long terme. Hormis avec Guita, une hôtesse de l’air danoise dont il était fou amoureux et qui lui avait demandé de choisir entre elle et son métier !
Vous a-t-il déjà parlé de son désir de fonder une famille ?
Oui, Mike aimait les enfants et il m’avait confié en vouloir. Il m’avait dit : « Un jour, lorsque j’aurai gagné assez d’argent, je quitterai Paris pour revenir vivre en Israël. Je m’installerai dans le Néguev avec ma famille et j’achèterai une ferme, des poules, des cheveux, des vaches… Car c’est ça, ma vie ! » Mike était quelqu’un de très bon et très sensible. À tel point qu’il avait la faculté de ressentir ce qu’une personne pensait ou disait de lui sans que celle-ci soit à ses côtés ! Il avait en quelque sorte un pouvoir de télépathie ! Peut-être même qu’aujourd’hui, de là où il est, il ressent que nous parlons de lui…
Propos recueillis par Vanessa Attali