Le procureur général d’Israël a exigé – et obtenu – que les détenus palestiniens dans les prisons israéliennes soient également vaccinés contre le Covid-19. Ce juriste méticuleux, à l’origine de l’inculpation du premier ministre Benyamin Netanyahou, est la bête noire de la droite israélienne.
Le procureur général d’Israël, Avichaï Mendelblit, 57 ans, n’a pas froid aux yeux. Il a ordonné vendredi 15 janvier à l’autorité pénitentiaire de vacciner « immédiatement » contre le Covid-19 tous les détenus âgés de plus de 60 ans. Ce faisant, il a invalidé une directive, jugée « illégale », du ministre de la justice Amir Ohana, un baron du Likoud de Benyamin Netanyahou, qui donnait la primeur aux personnels des prisons.
Cette passe d’armes en dit long sur les démêlés du procureur avec la droite israélienne, qui le considère comme sa bête noire depuis la mise en examen du premier ministre en novembre 2019 pour « corruption », « fraude » et « abus de confiance », des charges passibles de prison. Avec cette décision coup de poing, Avichaï Mandelblit a cueilli à froid Benyamin Netanyahou, son ex-patron dont il fut le secrétaire de cabinet (2013-15), et à qui il doit paradoxalement sa nomination en 2016 pour un mandat de dix ans au poste clé de l’appareil judiciaire.
Menaces de mort, profanation et diffamation
Juriste méticuleux et prudent à l’excès, il a réuni des dizaines de témoignages pour étayer et ficeler ses trois dossiers explosifs. Mais, il s’est pour le coup sérieusement exposé à la vindicte, ouverte ou sournoise, de Netanyahou qui dénonce « une chasse aux sorcières » fomentée par les élites, les médias et la police. Le 29 mai dernier, au premier jour de son procès, le premier ministre, entouré de ses inconditionnels, a ouvert les hostilités contre Mandelblit en l’accusant nommément d’avoir « fabriqué sur mesure » des charges « ridicules » pour le contraindre à renoncer au pouvoir.
Il y a eu ensuite des menaces de mort anonymes sur son téléphone portable, la profanation de la tombe de son père Micky, des articles de presse diffamatoires, des manifestations devant son domicile à Petah-Tikva, des insultes aux abords de sa synagogue. Un ténor du Likoud l’a même accusé d’avoir été soumis aux pressions d’un chantage qui l’auraient conduit à inculper Benyamin Netanyahou. Résultat : le procureur général d’Israël est désormais protégé par un garde du corps…
Ardent défenseur de la loi et juif orthodoxe
Mais, il est déterminé à poursuivre sa mission. Ardent défenseur de la loi, il refuse de troquer ses valeurs éthiques contre ses penchants politiques. Né à Tel-Aviv, il s’imprègne des idées de la droite libérale dont il croise les grandes figures dans la boutique de vêtements que son père, un juif laïc, tient près de « La Citadelle », le QG du Likoud.
Bûcheur, il décroche son diplôme de droit grâce à un programme l’autorisant à étudier durant son service militaire, et s’initie au droit des affaires. Grand amateur de football, il découvre plus tard la foi et la Torah. En 1991, kippa noire des juifs orthodoxes sur la tête, il célèbre son mariage. Il a six enfants.
Très vite, Avichaï Mandelblit grimpe les échelons. Procureur général de l’armée en 2004, il fait payer très cher leurs errements à plusieurs hauts gradés. Intéressé autant par le droit international, l’immobilier ou les droits de l’Homme, il obtient que des conseillers juridiques accompagnent les officiers en opérations afin qu’ils ne s’exposent pas à des poursuites pour crimes de guerre. En 2011, il obtient son doctorat à l’Université Bar-Ilan (Tel-Aviv) qui porte sur le droit international et la guerre.
Reportée à plusieurs reprises, la prochaine audience de Netanyahou a été fixée au 8 février. Trois fois par semaine, le premier ministre sera au banc des accusés, face à trois juges du Tribunal de district de Jérusalem. Une épreuve de plus pour l’insubmersible « Bibi », en pleine pandémie et à l’approche des élections législatives du 23 mars, les quatrièmes en deux ans.
Joël David