Lancée le 9 juillet 2005, la campagne BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions) appelle au boycott économique, académique, culturel et politique d’Israël. Ce réseau international s’est surtout illustré par son antisionisme radical et des dérives antisémites qui ne trompent pas les observateurs les plus avertis.
Le Covid-19 n’a pas interrompu les campagnes anti-israéliennes menées par la plateforme BDS. Depuis le 10 novembre dernier, BDS France s’en prend au Festival du Cinéma Israélien de Paris qui se tiendra (en ligne) du 25-29 novembre 2020. Dans le communiqué qu’il publie, BDS dénonce ce festival de cinéma israélien comme « un événement de propagande qui instrumentalise des œuvres artistiques pour blanchir le comportement criminel d’un Etat voyou ». Sa nature criminelle est ensuite précisée en ces termes : « L’Etat israélien colonise, annexe, occupe, détruit des maisons et des arbres, discrimine, enferme, opprime, blesse, torture, et tue des Palestinien.nes tous les jours, en infraction avec de nombreuses lois internationales et résolutions des Nations Unies ». D’où l’importance de ces manifestations culturelles : « Pour faire oublier ses crimes, L’Etat israélien finance, à travers le ministère des affaires étrangères et celui de l’immigration et d’intégration, des événements culturels qui se retrouvent complices de ce blanchiment. Ces films peuvent être projetés en France partout, à tout moment, alors qu’ils sont utilisés ici comme arme de propagande en faveur du gouvernement israélien et de ses politiques racistes, brutales et criminelles ». Pour en appeler au boycott de ce festival qui « tente de faire oublier les aspects les plus sombres d’un Etat d’apartheid qui trahit la démocratie et ne respecte pas les droits humains les plus basiques ».
Ce communiqué récent a le mérite de reprendre fidèlement les idées forces des campagnes que cette plateforme mène depuis sa création en 2005 : Israël est un Etat colonial, raciste et criminel. Sans surprise, cette référence à l’Afrique du Sud sous l’apartheid apparaît systématiquement dans la rhétorique de BDS. Elle lui permet de rallier à cause des antiracistes sincères mais aussi de mieux frapper Israël du sceau de l’illégitimité. Une manière civilisée d’en appeler à sa disparation.
Si le boycott économique et les sanctions politiques que BDS prône n’ont jamais été suivies ni adoptées par des Etats ou des institutions internationales, les volets culturel, académique et artistique du boycott d’Israël permet à BDS et ses militants de susciter davantage l’attention des médias et de l’opinion publique. C’est aussi à travers ce triple versant que BDS révèle la chasse aux sorcières qu’il mène contre des artistes, des écrivains et des savants (chercheurs et professeurs) parce qu’ils sont israéliens. Comme le précise clairement le communiqué BDS cité ci-dessus, la culture est une arme de propagande qu’Israël utilise pour se donner une bonne image et « blanchir » ses crimes et sa monstruosité.
« Tous collaborateurs de l’occupation »
Même si BDS prétend ne viser que des institutions et non pas des individus, les exemples de boycott visant des personnalités artistiques, culturelles et académiques israéliennes sont nombreux. Pour certains militants, cette chasse aux sorcières est pleinement assumée, à l’instar de l’éditeur français Eric Hazan qui déclare en 2015 dans la brochure de BDS France que « Ces livres, ces films sont des articles d’exportation. Pour faire face à la réprobation mondiale, il faut des arguments, il faut montrer qu’il existe en Israël des gens qui pensent autrement. Mais où, mais quand un écrivain israélien, un cinéaste israélien a-t-il pris clairement position contre l’occupation, contre les crimes de guerre ? Ni Amos Oz, ni David Grossman, ni Amos Gitai, les plus célèbres, les plus talentueux, les plus aimés en France. Leur travail visant à montrer combien l’expression est libre en Israël vaut plus que cent escadrons de chars Merkava. Ce sont des collaborateurs de l’occupation » ! Faussement nuancés, d’autres se montrent plus pervers en affirmant qu’ils ne boycottent pas les individus « si toutefois ces individus sont clairement détachés de toute organisation israélienne, sioniste ou liée au gouvernement israélien ». Autant dire que cela vise tout le monde dans un pays où la culture, l’art et la recherchons bénéficient de subsides publiques.
BDS s’en prend aussi à des personnalités qui ne sont pas israéliennes. C’est le cas du chanteur américain de Reggae Matisyahu qui a été déprogrammé d’un festival en Espagne car il était présenté par BDS comme « représentant Israël ». Né Matthew Paul Miller, ce Juif américain n’est pas connu pour ses positions politiques en faveur du Grand Israël, tout comme on ne lui connaît pas de sympathie pour la droite israélienne. Cette exclusion de Matisyahu ne fait que révéler la véritable nature de BDS : un mouvement dont la haine d’Israël mène ses adhérents à s’attaquer à des individus en raison de leur identité juive. Les tenants de BDS ont beau déclarer qu’ils ne s’attaquent pas aux individus mais uniquement aux institutions, on voit bien qu’ils visent des artistes pour ce qu’ils sont : des Juifs, et pas seulement des Israéliens, même si le simple fait d’être israélien ne justifie en rien ce boycott.
Conversion au « palestinisme »
Matisyahu aurait pu se produire s’il avait signé une déclaration de soutien aux Palestiniens et à BDS, ce qu’il a refusé à juste titre car il est le seul artiste participant à ce festival à qui cette demande a été formulée. Comme dans les heures les plus sombres du maccarthysme, tout serait rentré dans l’ordre pour lui s’il s’était conformé à la position anti-israélienne primaire de BDS. La rédemption existe donc aux yeux des militants BDS. Comme le souligne très justement Joël Kotek dans le livre qu’il a publié cette année avec Alain Soriano, « De quoi le boycott d’Israël est-il le nom ? » (éd. La Boîte à Pandore), « Ce que démontrent ces procès en sorcellerie est qu’il n’existe aujourd’hui qu’une et une seule porte de sortie pour les Juifs suspects de “sioniser en secret” : un coming out, une profession de foi anti-israélienne, bref affirmer sa conversion urbi et orbi au “palestinisme” ». L’idée d’une porte de sortir virulemment anti-israélienne est une obsession largement partagée par cette mouvance antisioniste radicale. Dans son brulot antisémite, Les Blancs, les Juifs et nous (éd. La Fabrique), Houria Bouteldja, cofondatrice des Indigènes de la République prônant le boycott d’Israël, soumet aux Juif les règles du jeu de son petit monde : « Vous êtes condamnés à la binarité : ce sera l’Occident ou le Tiers-monde, la blanchité ou ladécolonialité, le sionisme ou l’antisionisme. (…) Que cela vous plaise ou pas, l’antisionisme sera, avec la mise en cause de l’Etat-nation, le lieu principal du dénouement. Il sera l’espace de confrontation entre vous et nous, l’opportunité pour vous d’identifier votre véritable ennemi ».
Cette injonction a le mérite de la clarté : la disparition d’Israël est le prix à payer pour que les Juifs aient la paix. Une injonction partagée par les fondateurs de BDS pour que la paix ne passe pas par la solution des deux Etats mais par la création d’un Etat unique « désionisé » où les Juifs redeviennent une minorité religieuse. En somme un véritable programme de destruction politique et sociale formulée sans remord par un mouvement se présentant paradoxalement comme pacifiste, citoyen et antiraciste.
BDS est-il antisémite ?
Comme pour l’antisionisme radical dont BDS se réclame, la question de savoir si cette plateforme internationale recourt à l’antisémitisme se pose. « De nombreuses campagnes de BDS usent et abusent de thèmes et stéréotypes inspirés des pires “antisémythes” médiévaux », fait remarquer Joël Kotek, directeur de publication de Regards, professeur à l’Université libre de Bruxelles et coauteur de l’ouvrage De quoi BDS est-il le nom (éd. Boîte à Pandorre). « BDS ne peut se revendiquer progressiste et antiraciste et mettre sciemment en avant des images qui caractérisent depuis le 12e siècle la haine des Juifs, parmi lesquelles celle du Juif vampire et tueur d’enfants ».
Au-delà de ce vieux registre antisémite dans lequel puisent de nombreuses campagnes BDS, le thème de la disparition du seul Etat juif de la planète occupe une place centrale. C’est précisément la raison pour laquelle Joël Kotek considère que la question de savoir si BDS est antisémite est accessoire : « Que la destruction de l’entité sioniste s’opère par étapes ou brutalement, qu’elle soit motivée par la haine des Juifs ou par l’amour de la Palestine, ne change rien à l’affaire. C’est toujours d’euthanasie d’Israël dont il est question ». Cet objectif n’a pas échappé à des intellectuels peu suspects de sympathies sionistes. Ainsi en 2011, le sociologue postmoderne polonais Zygmunt Bauman a comparé BDS à une « arme de destruction massive » et le très sulfureux politologue américain antisioniste, Norman Finkelstein, a reconnu avec le peu de tact qui le caractérise « qu’il faut arrêter de se raconter des blagues. Oui ils (les dirigeants de BDS) sont très malins, car ils savent ce qu’il arrivera si leurs trois revendications sont rencontrées. Je le sais et vous le savez ce que sera le résultat : il n’y aura plus d’Israël ». Tout est dit.