Manuel Valls veut un front contre l’islamisme antisémite

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Alors qu’une nouvelle attaque a eu lieu devant les anciens locaux de «Charlie Hebdo», Manuel Valls qui était Premier ministre lors des attentats de janvier 2015, appelle Emmanuel Macron à «exalter le patriotisme républicain» pour faire front contre la menace islamiste.

Premier ministre au moment des attentats qui ont frappé la France en 2015, Manuel Valls réagit à l’attaque perpétrée vendredi près des anciens locaux de Charlie Hebdo et appelle à un « sursaut » national contre l’islamisme. Il met en garde contre un « relâchement » de la vigilance dans notre société. L’ancien Premier ministre constate une acceptation de la violence ou de l’antisémitisme en particulier sur les réseaux sociaux. Il demande également à Emmanuel Macron de « clairement désigner l’islamisme comme l’ennemi ». Enfin, il maintient qu’il y a sur ce sujet toujours « deux gauches irréconciliables. »

Quelle a été votre réaction quand vous avez appris qu’une nouvelle attaque avait eu lieu près des anciens locaux de Charlie Hebdo ?

MANUEL VALLS. J’ai ressenti beaucoup d’émotion, comme une douleur profonde, parce que je vis avec le souvenir des attentats mais aussi et surtout des victimes. J’ai vécu cela comme un cauchemar.

Est-il possible de se prémunir de telles attaques, qui ont changé dans leur forme, qui sont moins organisées ?

C’est difficile, admettons-le. Mais ne faisons pas semblant d’ignorer la menace terroriste, car elle existe depuis longtemps. C’est une menace lourde car elle vient de l’extérieur, mais aussi de l’intérieur de la société. Il y a des milliers d’individus qui peuvent passer à l’acte, comme nous l’avons vu vendredi ou ces derniers mois, à cause d’une radicalisation plus ou moins rapide dans nos quartiers, sur Internet ou dans nos prisons. Il faut clairement désigner l’islamisme comme l’ennemi et le défi de ce début de siècle.

Vous avez l’impression que la société a évolué depuis 2015, sur le sujet ?

Les Français ont pris conscience du risque, mais l’ennemi terroriste se nourrit de nos faiblesses, de nos naïvetés, de nos demi-mesures. Je veux être clair : il y a depuis plusieurs semaines un bruissement sur les risques qui pèsent. C’est toute la société française qui est placée par les djihadistes comme cible prioritaire, et notamment ceux qui incarnent le combat contre l’islam politique. C’est intolérable et cela demande un sursaut.

Quel sursaut ?

L’islamisme veut nous fracturer, nous casser. Et finalement, il nous pose un défi considérable. Quelle est la réponse collective que nous pouvons apporter à cette violence ? Quelle réponse sécuritaire, citoyenne, quelles sont nos valeurs ? Il faut que le défi soit pris au sérieux. La société s’est relâchée, nous nous sommes habitués à la violence ou à un antisémitisme virulent sur les réseaux. J’appelle à un changement d’état d’esprit. Il faut désigner clairement l’ennemi : c’est l’islamisme, le salafisme, les Frères musulmans, cet islam politique qui est un nouveau fascisme. Il faut le combattre par l’Etat de droit, nos forces de sécurité et le renseignement mais aussi par une mobilisation profonde de la société, dans la rue, dans les services publics, à l’école, dans les entreprises, dans les clubs sportifs, sur les réseaux sociaux. C’est une bataille politique, idéologique, culturelle qui sera longue et difficile, que nous gagnerons si nous sommes unis et que nous croyons en nos propres valeurs.

Politiquement, que peut-on faire ?

Tout est possible. La première urgence, c’est la remobilisation du camp républicain et laïc. Les partis politiques, les syndicats, les associations, les enseignants, les intellectuels doivent être mobilisés. Une partie non négligeable de la jeunesse musulmane ne condamne pas les attentats de Charlie, et met la religion au-dessus de la République. C’est bien que nous avons failli, que le système éducatif n’a pas été au rendez-vous. Nous avons besoin d’une mobilisation civique sans précédent.

François Hollande a dit qu’il fallait «donner la priorité à l’éducation» pour que les valeurs de la République soient respectées. Etes-vous sur la même ligne ?

Oui. Il faut surtout écouter Jean-Pierre Obin (NDLR : ex-inspecteur de l’éducation nationale, auteur du livre « Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école »), un républicain de gauche comme moi, sur l’aveuglement de l’Education Nationale face à l’islamisme. Mais aussi arrêter de s’excuser. C’est un débat que j’avais eu avec Emmanuel Macron en 2015. Lui considérait qu’il y avait une explication qui pouvait être donnée pour comprendre le passage à l’acte terroriste. Il n’y a pas d’explication. Je reprends les mots de Charles Peguy : « Toutes les explications sont des capitulations, et toutes les capitulations regorgent d’explications ». Il faut arrêter de s’excuser d’être Français et républicain. Soyons fiers de notre histoire et notre culture.

Vous aviez dit «comprendre, c’est déjà vouloir un peu excuser» le terrorisme. Mais comprendre pour connaître, n’est-ce pas la meilleure façon pour prévenir et s’en protéger ?

Mais nous connaissons déjà ! L’islamisme – qui défigure l’islam et réduit au silence des millions de musulmans pacifiques — a un projet politique : en finir avec notre modèle et notre laïcité. Nous savons d’où viennent les attaques terroristes, que le salafisme a progressé dans nos quartiers, qu’il a des complices dans une partie de la gauche. Nous savons aussi le travail qu’il faut mener d’un point de vue politique, culturel, éducatif. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas mener la bataille économique et sociale – d’ailleurs je n’ai toujours pas compris pourquoi on avait torpillé le rapport Borloo sur les quartiers populaires – mais je le répète c’est une bataille politique qu’il faut mener.

Emmanuel Macron pose un regard trop angélique sur le sujet ?

Non, je pense qu’il a changé. Il a pleinement pris conscience, avec la fonction qui est la sienne, de la réalité, loin de ce discours libéral libertaire qui était le sien avant.

Pourtant, vous estimez que son emploi du mot «séparatisme» n’est pas pertinent.

Il faut lutter contre tous les séparatismes ou les communautarismes, mais à condition de bien les nommer. Le grand sujet de ce moment, c’est la bataille contre l’islamisme. Je considère d’ailleurs qu’il faut étudier, comme je l’avais proposé, l’interdiction du salafisme, véritable menace pour notre pays. Et agir : pour les sorties scolaires comme à l’université, la loi de 2002 d’interdiction des signes religieux doit pleinement s’appliquer.

La majorité présidentielle semble divisée sur le sujet…

A LREM, il y avait les mêmes débats que ceux que j’avais connus au sein de la gauche. Mais je suis convaincu que la majorité des Français est pour ce réarmement républicain, civique et moral. Fort de ce soutien des Français, le président de la République doit exalter le patriotisme républicain, le respect de la règle, l’application de la loi.

La gauche vous apparaît-elle toujours aussi divisée ?

L’erreur fondamentale d’une partie de la gauche politique, intellectuelle, médiatique, a été de considérer que les musulmans constituaient un nouveau prolétariat, qu’ils représentaient une masse informe et globale, et que tout ce qui venait d’eux était juste. Quand j’avais parlé d’islamo-gauchisme, je dénonçais les complices de l’islamisme, de ceux qui veulent imposer leur religion. Il y a bien deux gauches irréconciliables.

Source leparisien