Les victimes de l’attentat contre le magasin Hyper Cacher, commis voici plus de cinq ans, le 9 janvier, ont une particularité parmi celles des actes terroristes de 2015 et 2016 : elles ont été ciblées parce qu’elles étaient juives.
Je suis un client de ce supermarché. J’ai habité à côté pendant vingt ans, ma femme, pendant quarante ans, et notre synagogue familiale de Vincennes est à quelques centaines de mètres du magasin. C’est à ces titres que j’écris.
L’Hyper Cacher est un supermarché situé dans le 20e arrondissement de Paris, mais bordant Montreuil (93), Vincennes (94) et Saint-Mandé (94). Son ouverture puis son succès commercial découlent d’une mutation sociologique importante intervenue au tournant des années 2000 dans cette zone en bonne partie résidentielle. À l’ancienne communauté dont la synagogue date de 1905 s’est ajoutée une population juive nombreuse, en situation de mobilité sociale ascendante, déménageant souvent de banlieues plus lointaines et moins chics, où un climat délétère commençait à pointer son nez, incitant à partir ailleurs. Ces familles étaient la plupart du temps pratiquantes de manière solide, donc mangeant casher. Cadre de vie agréable grâce à la proximité du bois de Vincennes, une école juive déjà en place, une boucherie puis deux déjà installées : d’autres magasins casher ont ouvert, des restaurants, des oratoires, bref, une visibilité juive plus forte dans l’espace public, comme c’est la tendance générale en France depuis les années 1980.
Les municipalités (de droite) de Vincennes et de Saint-Mandé ont toujours été impeccables, tout comme l’immense majorité de la population. Mais certains ont crié au repli communautariste, formule facile pour masquer leur déplaisir de voir arriver des Juifs en nombre dans une ville bien « comme il faut ». Or, en fait, un magasin casher n’est pas un commerce communautaire. Il répond à la demande des juifs religieux. Ceux qui ne le sont pas (une majorité) gardent leurs habitudes chez les autres commerçants du coin. Et puis, un supermarché casher emploie des non-Juifs (Lassana Bathily, admirable). Il attire même des clients non juifs, tel cet ancien ambassadeur de religion catholique, entré acheter du houmous, et devenu otage de Coulibaly.
La nouvelle visibilité des Juifs dans l’espace public dérange les antisémites de tous bords parce qu’elle marque un changement d’attitude entre deux générations. À deux rues de l’Hyper Cacher, mes beaux-parents, nés dans les années 1920, avaient placé à l’intérieur de leur maison leur mezouza, cet étui contenant un parchemin sur lequel sont écrits deux versets de la Torah, et qui est apposé au chambranle des portes. Dans ce même quartier, nous avons mis la nôtre à l’extérieur de notre appartement. Nous pensions sincèrement que cela n’embêtait personne. Un soir, elle a été arrachée par un très bourgeois voisin qui devait ne pas nous juger dignes d’habiter la ville du roi Saint Louis. Mais ne mégotons pas, nous vivions très bien, sans crainte autre que celle, consubstantielle à la condition juive, de croiser ce type de nouille.
Ce que nous n’avions peut-être pas anticipé, c’est que l’antisémite à l’ancienne peut à la rigueur tolérer des Juifs qui font profil bas, alors que l’islam radical ira nous chercher partout pour nous tuer. On a déjà connu cela, et ça s’appelait le fascisme.
Je comprend cette situation, on ne nous aime pas, il ne faut ne pas se voiler la face, nous faisons partis de la société Française, nous y payons nos impôts et nous n’embêtons personne, mais le Juif dérange depuis plusieurs millénaires et avec l’islam qui s’installe par bateaux entiers, cela n’est pas prêt de s’arrêter.