L’offre de Michel Ohayon retenue, lundi, par le tribunal de commerce de Lille doit permettre de conserver 2 659 salariés sur les 3 146 que compte l’enseigne de prêt-à-porter féminin.
La reprise de l’enseigne de prêt-à-porter féminin Camaïeu, en redressement judiciaire depuis la fin mai, a connu son dénouement lundi 17 août. Le tribunal de commerce de Lille a décidé d’opter pour le plan proposé par la Financière immobilière bordelaise (FIB), holding dirigée par l’homme d’affaires Michel Ohayon, 57 ans.
Soutenue par le syndicat maison majoritaire (38 %) Unis pour agir ensemble (UPAE), la proposition portée par l’actuel PDG de Camaïeu Joannes Soënen et trois fonds déjà actionnaires (GoldenTree, CVC et Farallon) a été rejetée. « L’UPAE espère vivement que la FIB se montrera à la hauteur de ses engagements afin d’assurer la reprise et la pérennité de cette belle entreprise. Cependant, une phase très difficile attend les collaborateurs qui vont être licenciés, l’UPAE restera très vigilant sur l’accompagnement de nos collègues », a déclaré le syndicat dans un communiqué.
L’offre de la FIB porte sur la reprise de 511 magasins et de 2 659 salariés sur les 3 146 que compte l’enseigne. Celle de la direction prévoyait de conserver 2 520 emplois et de reprendre 446 magasins. In fine, ce sont 460 personnes qui devront partir, soit dans le cadre de départs volontaires, soit être licenciées pour motif économique dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) d’un budget de 5 millions d’euros, a fait savoir l’avocat du comité social et économique (CSE) de l’entreprise, Stéphane Ducrocq.
Un second souffle
« Je suis soulagée. (…) Mon magasin est sauvé, et il y a moins de casse sociale [que prévu] », a réagi auprès de l’Agence France-Presse (AFP) Mélanie Dubuche, élue CFDT, présente devant le tribunal avec une poignée d’autres salariés. « On ne pouvait pas faire confiance à des gens [la direction actuelle] qui ont fait quelque chose d’immoral, a réagi Omar Rahni (CGT). Là, on va repartir sur de nouvelles bases. »
Pour Olivier Pardo, avocat de la FIB, « les difficultés de Camaïeu n’étaient pas liées au coronavirus ». L’offre de Michel Ohayon, soutenue par l’intersyndicale CFDT-CGT-FO, a l’ambition de sauver l’entreprise et de lui donner un second souffle. Il présente l’homme d’affaires bordelais comme « le fidèle successeur de Bernard Darty, qui pensait également que les magasins en dur avaient un avenir supérieur à ceux du virtuel ».
Michel Ohayon a débuté comme « vendeur de vêtements à Bordeaux ; il avait l’angoisse tous les mois de ne pas pouvoir payer son loyer », décrit M. Pardo. « Et un jour, il a une idée qui va se révéler très fructueuse, d’acheter les murs. Cela ne se faisait absolument pas, c’est l’un des premiers qui l’a fait. Par cette technique, il a joint l’immobilier à son activité, [ce qui] lui a permis d’avoir un développement [pérenne] ; il avait des actifs immobiliers solides qui lui ont permis de résister à toutes les crises et de se développer », explique l’avocat.
En effet, à 22 ans, Michel Ohayon ouvre une première franchise de la marque Daniel Hechter, avant d’investir dans des immeubles à potentiel pour y installer des chaînes de prêt-à-porter. En 1999, il acquiert le Grand Hôtel de Bordeaux, qu’il parvient à hisser au rang de palace, classé en 2019 meilleur hôtel de France. Puis il achètera le Trianon Palace de Versailles en 2014, le Sheraton de Roissy en 2016 et le Waldorf Astoria de Jérusalem en 2017.
Michel Ohayon, 144e fortune de France
Michel Ohayon a poursuivi son ascension avec l’acquisition de vingt-deux magasins Galeries Lafayette en 2018, puis, la même année, de l’enseigne La Grande Récré, qui avait été placée en redressement judiciaire. Homme d’affaires discret, il apparaît aujourd’hui à la 144e place dans le classement des 500 plus grandes fortunes de France réalisé par le magazine Challenges.
L’avenir de Camaïeu se jouera, désormais, au sein de ses magasins. « La prochaine étape, outre la prise de possession de l’entreprise, va être de refaire les pas-de-porte. L’idée de Michel Ohayon est d’en faire des lieux très attractifs », développe M. Pardo. « C’est un homme de province qui sait qu’en province les magasins doivent être plus que des distributeurs de produits, mais des lieux de lien social », ajoute-t-il.
De son côté, le président de la chambre de commerce et d’industrie de Bordeaux, Patrick Seguin, s’est félicité du rachat de Camaïeu. « C’est une bonne nouvelle, et c’est certainement quelque chose de structuré, car connaissant un peu Michel Ohayon, lorsqu’il se lance dans une opération de reprise, c’est qu’il se donne les moyens. »