Nous sommes nombreux à ne plus supporter les discours sur le Covid-19. Nous avons besoin de poser les yeux ailleurs, sur quelqu’un ou sur quelque chose. C’est pour cela que cette semaine, ma chronique est légère, ce qui ne nous empêche pas de rester vigilants quant aux risques de contamination.
J’ai lu l’autobiographie de Woody Allen «Soit dit en passant» (Editions Stock) comme si je regardais un de ses films. J’ai souri, j’ai ri, j’ai appris des choses sur sa vie sexuelle, j’ai découvert que derrière le petit juif new-yorkais, comme il aime à se présenter, se cache un grand séducteur qui se compare à Philip Roth, un grand écrivain qui a beaucoup écrit sur sa condition de juif critique, et sur ses nombreuses conquêtes féminines.
Le cinéma de Woody Allen est évidemment bien différent des romans graves et puissants de Roth. Mais quelque chose en commun se retrouve chez ces deux Américains qui ont passé leur vie à critiquer et à dénoncer les travers de l’Amérique.
Woody Allen, comme Roth est un mauvais juif. Il raconte comment, encore jeune, il accompagnait son père dans des restaurants où ils commandaient des plats interdits par la religion juive, comme du porc ou des fruits de mer. Pendant ce temps-là, la mère de Woody préparait un repas casher dans la pure tradition juive. Le père et le fils sont complices et rient en douce face à une femme croyante et pratiquante. Woody n’osait pas avouer publiquement son athéisme.
Attiré d’abord par la musique de jazz, il s’oriente vers le cinéma. De son aveu, il couche avec certaines de ses actrices. On apprend ainsi, qu’il a vécu quelques années avec Diane Keaton qui a joué dans ses films. A leur séparation, il est sorti avec la sœur cadette de Diane, puis dans un deuxième temps avec la plus jeune des sœurs Keaton. Un vrai Don Juan ! On ne le dirait pas, vu son physique ne dégageant aucune virilité, mais ayant un charisme certain, dont il joue en permanence.
Tout allait bien jusqu’au jour où il rencontre l’actrice Mia Farrow. Leur relation n’a pas été immédiate; elle a mis beaucoup de temps avant de devenir une liaison amoureuse. Un jour Mia lui avoue qu’elle avait sept enfants, trois biologiques et quatre adoptés. Woody se dit: «j’aurais dû me méfier». Elle a acheté une maison à la campagne. Woody déteste la campagne et n’est heureux qu’en ville.
Il raconte comment son épouse actuelle, Soon-Yi, avait été adoptée par Mia, bien avant qu’ils se soient connus. Il en parle avec amour et tendresse et répond aux attaques dont il a été la cible. Il rappelle aussi combien cette fille a souffert du comportement de sa mère, la traitant comme une domestique et refusant de l’emmener voir un médecin quand elle tombait malade.
Lorsque Woody tombe amoureux de Soon-Yi (elle avait 22 ans), Mia ne l’a pas supporté et a déclenché une guerre sans merci à Woody. Elle lui a dit: «tu vas voir ce que je te réserve». Quand un homme entend cette phrase dans la bouche de sa femme, il sait qu’il doit s’attendre au pire. Et le pire arriva, même si Woody Allen n’avait rien fait de mal.
Elle l’a accusé d’agression sexuelle sur une de ses filles, Dylan. La justice, après enquête, a innocenté Woody. Mais Mia ne va pas abandonner. Elle l’accuse d’avoir violé Soon-Yi, sans preuves. La presse people adore ce genre de marécage. Elle en rajoute et jamais ne tient compte que l’inculpé est «présumé innocent».
Durant des années, Woody Allen a dû subir les pires attaques aussi bien de Mia que de certains de ses enfants. Sa réputation a été salie et une certaine presse a continué à publier des accusations sans fondement, faisant passer le cinéaste pour un obsédé sexuel, un homme pervers et incestueux.
Il a souffert de ces procès, au point où il ne pouvait plus tourner en Amérique. Quand son autobiographie fut prête pour être publiée, son éditeur l’a refusée. Heureusement ce sont des éditeurs européens (La Nave di Teseo en Italie et Stock en France) qui l’ont fait paraître. Finalement, la version américaine sera publiée par une petite maison d’édition dirigée par une femme assez âgée et courageuse.
Aigrie, peut-être jalouse, Mia Farrow (qui a été l’ancienne épouse de Franck Sinatra) a tout fait pour détruire cet homme. Elle a eu recours à tous les moyens: mensonges, calomnies, rumeurs. Le tiers du livre est consacré à cette histoire pathétique.
Woody Allen conclut ainsi: «“Un jour de pluie à New York“ ne sortit pas en salle aux Etats-Unis, même si, Dieu merci, le reste du monde n’est pas aussi givré. En prenant du recul, je dois dire que c’était plutôt drôle de voir tous ces gens se démener pour aider une cinglée à assouvir sa vengeance. Et quand j’y pense, plutôt une bonne idée pour une comédie satirique».
Ainsi l’artiste criblé de calomnies et de mensonges, blanchi par la justice, pense, non pas se venger, mais répondre à l’ignominie par une œuvre d’art. Bravo, l’artiste.
Bravo, Tahar Ben Jelloun, pour ta position claire. La vérité rattrape toujours le mensonge.
Mia Farrow a chassé deux enfants adoptés qui l’accusent de maltraitance, à la fois mentale et physique. Trois de ses enfants adoptés sont morts, victimes de dépression, d’autodestruction et de suicide. Mia a fait d’une autre fille adoptive, Dylan, un instrument de sa vengeance, se grattant sa vie, et l’a prise d’un père aimant.
Mia a menti à propos de Ronan à Woody; a menti sur Woody à Ronan; et a menti au juge à propos des deux quand elle a forcé Woody à payer une pension alimentaire pour enfants. D’un enfant qui, selon Mia après l’entretien, « probablement » a été conçu par Frank Sinatra, « dont elle n’a jamais vraiment divorcé ».
Je comprends que Mia est catholique. Pour Mia seule, j’espère qu’il y a une vie après la mort. Et l’enfer.