Dans une tribune au Parisien – Aujourd’hui en France, Iannis Roder, responsable des formations au Mémorial de la Shoah et directeur de l’Observatoire de l’éducation de la Fondation Jean Jaurès, revient sur la manière d’aborder l’Holocauste.
« Il n’est pas une semaine où l’histoire de la Shoah ne soit mentionnée dans un média, que ce soit pour une sortie littéraire ou cinématographique, pour un documentaire, une émission ou encore pour une actualité. L’omniprésence de cette mémoire est le résultat concomitant d’une hypermnésie de la Shoah, c’est-à-dire du fait que la Shoah a fini par occulter tout autre événement de la Seconde Guerre mondiale, mais également d’une approche morale du génocide des juifs qui a fait de la souffrance le biais par lequel est abordé le crime.
Or, la société française a longtemps pensé que la mémoire de la Shoah nous préserverait du retour de la haine. Nous avons pensé ce crime comme un rempart, comme la garantie d’une prise de conscience de ce que l’homme pouvait faire à l’homme. On a alors « nazifié » les discours qui parlaient d’identité ou d’immigration, on a érigé le nazisme en mal absolu, l’utilisant à tout-va pour tenter de disqualifier les uns et les autres dont nous étions persuadés qu’ils étaient les annonciateurs du retour de l’horreur.
Mais il nous faut constater que nous nous sommes trompés. Nous n’avons jamais autant parlé de la Shoah qu’aujourd’hui et, depuis vingt ans, les actes antisémites, dont douze assassinats, n’ont jamais été aussi nombreux en France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La mémoire de la Shoah n’est pas la protection que nous imaginions. Elle a même pu participer à l’émergence d’une concurrence mémorielle.