La conversion religieuse n’est pas seulement le fruit d’un cheminement intime. Elle peut se révéler suite à une rencontre. Comme pour nos témoins, où le choix religieux s’est mêlé au sentiment amoureux.
« J’étais en quête de mon identité »: Benoît, 46 ans
Je me suis longtemps interrogé sur mes origines et mon identité. Ma mère, elle-même s’était toujours demandée si elle n’avait pas des aïeux juifs. Le jour où j’ai rencontré Julie, je suis tombé amoureux immédiatement.
Apprendre qu’elle était juive était un bonheur supplémentaire. L’histoire de ce peuple et de cette religion m’intéressait et nous pouvions en parler pendant des heures. Ça me nourrissait intellectuellement. Quand je l’ai demandée en mariage, je ne savais pas encore que j’allais me convertir. Elle n’avait pas posé de conditions, mais je savais que c’était important pour elle de se marier religieusement.
Ce n’est qu’un an après que j’ai pris ma décision. Ma conversion a été un long chemin. Pendant trois ans, j’ai été suivi par un rabbin. J’ai lu de nombreux ouvrages, pris des cours… J’ai le sentiment que cette religion m’a élevé. Le judaïsme nous place dans un questionnement permanent qui ne peut être que bénéfique. Puis est venue la dernière étape, la plus engageante parce qu’irréversible : la circoncision. Je l’ai vécue seul, et suis rentré un soir en annonçant à ma femme que ça y est, j’étais juif.
« J’ai fait ce choix à 50 ans »: Claire, 55 ans
Après ma première communion, j’ai commencé à m’interroger. Je ne me retrouvais plus dans la religion catholique et mon assiduité a décliné. Puis, j’ai rencontré Richard, issu d’une famille juive ashkénaze, immigrée en France pendant la guerre. Dès le début de notre relation, je me suis questionnée sur comment il pouvait se dire juif tout en étant non croyant. Selon moi, être juif, c’était avant tout une religion.
Pour mieux comprendre l’histoire du judaïsme et cette notion d’identité plurielle, je me suis inscrite à des cours dans une synagogue libérale. J’ai découvert à quel point les enseignements pratiques du judaïsme développaient la conscience personnelle. Je n’avais jamais ressenti cela auparavant. Jusqu’au jour, où notre fils nous a annoncé qu’il souhaitait faire sa bar-mitza. C’était comme s’il remplissait les pointillés de la famille. De là, j’ai repris des cours, mais cette fois dans l’objectif de me convertir. Faire ce choix à 50 ans, me donne le sentiment d’avoir contribué à bâtir notre famille. L’amour des miens m’a guidé dans mon cheminement. »
Un intérêt individuel pour une autre confession
Pour Loïc Le Pape*, sociologue, maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne : « Il existe deux types de conversions. Les conversions dites matrimoniales, purement stratégiques et formelles où le religieux intervient peu. Dans ce cas, les personnes cherchent simplement une affiliation, un papier attestant d’une conversion. L’autre forme, plus répandue à mon sens, est celle où l’amour se double d’un intérêt individuel pour une autre confession. On se convertit alors pour se marier et peut-être pour transmettre cette religion à ses enfants, mais la dimension spirituelle n’est pas absente.
L’amour ne mène pas à la foi. C’est ce qui se passe dans la relation de couple, l’envie de faire plaisir à l’autre, les rapports familiaux, mais aussi son propre rapport au religieux qui détermine l’adhésion à la foi. Qu’advient-il si le couple se sépare ? Cette question de la durée de l’engagement religieux n’a encore jamais été traitée par les sociologues. À mon sens, à la puissance de l’engagement lors de la conversion succède la routinisation de la croyance. Elle se transforme, parfois jusqu’à s’étioler, comme dans la vie de couple. »
*« Une autre foi. Itinéraires de conversions en France : juifs, chrétiens, musulmans », Presses universitaires de Provence, 2015