Fidèle à son image, Michel Cymes a manié l’humour et la décontraction comme jamais sur le plateau de 69 minutes sans chichis. Ce qui ne l’a pas empêché d’aborder un chapitre familial douloureux : celui de la Shoah.
D’emblée, les faits sont posés : les deux grands-pères de Michel sont morts à Auschwitz. Et quand Joëlle lui demande si son histoire familiale l’a poussé à vouloir sauver des vies et devenir médecin, Michel répond par une blague juive, celle de la grand-mère qui se balade avec ses deux petits-enfants de 4 et 6 ans. Elle rencontre une autre grand-mère juive qui lui demande : comment s’appellent tes petits-enfants ? -Lequel ? L’avocat ou le médecin ?
Il y a en effet un besoin de réussite sociale évident dans les familles juives victimes la Shoah. Mais si Michel a choisi de faire des études de médecine, ce n’est pas parce qu’il avait une revanche à prendre sur le passé, mais parce que ce métier lui plaisait. Jamais on ne parlait de la Shoah à la maison et l’humour a toujours été un excellent bouclier dans la famille.
Pourtant, dit-il, en vieillissant, on essaie de mieux comprendre ses racines, et je ne sais pas pourquoi, il y a quelques années, j’ai ressenti le besoin d’aller à Auschwitz. Michel se rend alors sur place et se retrouve devant le fameux Block 10, où les médecins nazis pratiquaient des expériences médicales sur les Juifs, mais aussi les Tziganes et autres minorités.
J’ai comme l’impression d’entendre des cris, des gémissements, et d’entendre les gens derrière qui subissaient les expériences médicales. Et je me dis alors : est-ce que je mettrais pas ma popularité au service de la Mémoire ? L’idée fait son chemin et pendant des années, Michel se documente sur le sujet. Résultat : le livre Hippocrate aux enfers qui fait le point sur les atrocités commises par les médecins nazis dans les camps de la mort. Un livre suivi d’un documentaire éponyme. Prenant, édifiant. Avec, de manière lancinante, toujours la même question : comment des médecins ont-ils pu bafouer le serment d’Hippocrate et devenir des bourreaux ?
Des médecins que Michel croyait au départ incompétents. Or c’étaient, pour la plupart, des sommités dans leur domaine. Avec un point commun : ils étaient, pour 70% d’entre eux, membres du parti nazi. Persuadés, en ces temps de guerre, qu’il fallait purifier la race aryenne et comprendre les limites de la résistance humaine aux situations extrêmes, dans le but ultime de conduire l’Allemagne à la victoire.
Des médecins qui ont balayé toute considération éthique pour pouvoir pratiquer sans tabou des expériences sur des individus vivants. En considérant surtout que ces personnes n’étaient pas des êtres humains, mais des cobayes.
Des expériences qui consistaient par exemple à plonger des victimes dans de l’eau glacée pour mener des recherches sur l’hypothermie, ou à leur inoculer des virus pour tester des molécules potentiellement curatives,… Le gynécologue Carl Glauberg stérilisait les femmes juives dans d’atroces souffrances en leur injectant du formol dans l’utérus. Karl Gebhardt, quant à lui, était chargé d’exterminer les handicapés mentaux qui affaiblissaient l’hérédité aryenne. Sans parler des actes du plus tordu de tous, Josef Mengele, qui a torturé des centaines de jumeaux.
Ces expériences ne se sont pas limitées au contexte des camps ! Les médecins nazis étaient très en vue des Américains qui étaient au fait des recherches qu’ils menaient dans le domaine aéronautique. Ils considéraient que les Nazis avaient 2 ans d’avance sur eux et, dès la libération, ils ont incorporé des savants nazis dans leurs centres de recherche en aéronautique. Les Soviétiques ont d’ailleurs fait de même !
Ces bourreaux nazis ont été jugés en 1946 lors du 2e procès de Nuremberg, le procès des médecins, ce qui n’a pas empêché certains d’y échapper, comme Mengele qui est mort de sa belle mort en 1979 en Amérique Latine.
Ce procès aura quand même eu un point positif, celui de déboucher sur le code de Nuremberg qui guide aujourd’hui l’éthique médicale. Car si, pour faire avancer la médecine, des expérimentations sur des êtres humains sont parfois nécessaires, elles ne peuvent se faire qu’avec l’accord du patient, qui peut les interrompre à tout moment.
Pour vivre ce qu’a ressenti Michel Cymes à Auschwitz, (re)voyez ce chapitre intense de 69 minutes sans chichis.