Dimanche 16 juin, Charles Goldstein inaugurait son exposition « 100 peintures contre la barbarie », en hommage aux victimes de l’antisémitisme. Il a été décoré de la médaille des Chevaliers de l’Ordre des Arts et des Lettres.
« Ma peinture se veut être la trace de ceux qui n’ont pas eu le temps de laisser la leur. » Charles Goldstein inaugurait son exposition, dimanche 16 juin, à l’Espace Saint-Jean, à Melun, en présence de Franck Riester, le ministre de la Culture.
Le ministre de la Culture est venu lui remettre, en personne, la médaille des Chevaliers de l’Ordre des Arts et des Lettres pour son travail sur la mémoire de la Shoah.
« Cent peintures contre la barbarie », c’est en effet, le titre de cette exposition présentée jusqu’au 7 septembre. « Comme vous, cher Charles, je suis convaincu que la culture a un rôle à jouer dans ce combat que nous avons à mener. Ce combat contre la haine. Ce combat contre l’oubli », a commenté Franck Riester.
Cela fait 25 ans que Charles Goldstein se heurte quotidiennement à la souffrance de ces drames du passé et du présent « pour qu’ils soient gravés dans un avenir plus sûr ». « Je rêve de voir les haines disparaître, le bon sens reprendre pied », confie le peintre.
Et d’ajouter : « Si ma peinture vous interroge et vous interpelle, ne serait-ce que quelques secondes, acceptez d’aller plus loin sur le regard que vous y portez en ayant connaissance de mon parcours de vie. »
La vie et l’oeuvre de Charles Goldstein
Responsable des affaires culturelles de la ville de Melun pendant 31 ans, ce rescapé de la Shoah peint comme il respire et ce, depuis 65 ans. « Même pendant mon service militaire en Algérie, dans la poche de mon treillis, je gardais un carnet de dessins », se souvient-il.
À l’époque, Charles Goldstein trempait dans le figuratif. Ce n’est que quelques années plus tard que l’abstrait devient une nécessité. Il raconte : « En 1997, j’ai perdu mon frère. Avec son décès, j’ai fini par me poser la question de la réappropriation mémorielle. Depuis, je travaille sur la mémoire des miens, ces membres de ma famille victimes du nazisme. Mais avec le figuratif, j’avais la sensation de faire de la bande dessinée. Le figuratif, c’est l’instant « T ». Pour aller plus loin, il fallait passer à l’abstraction. »
Alors, dans le fouillis de son atelier, quelque 600 toiles aux couleurs à la fois sombres et vives. Certaines chargées de matières, d’autres plus épurées. Près de la fenêtre, des javelots de lumière font apparaître les reliefs d’un tableau intitulé « Montée des profondeurs », un titre emprunté au poète Ytshak Katzenelson, gazé à Auschwitz en 1944. Une œuvre puissante et chargée de symboles, fraîche d’un mois seulement. « Cette toile me marque et me fait mal, commente Charles Goldstein. J’y vois un crématoire avec une famille dedans. » Et d’ajouter : « Il ne faut pas se cantonner à une réaction purement plastique, ma peinture demande des explications ».
Pour être pleinement appréciées, certaines œuvres nécessitent une connaissance sur le parcours du peintre. Né en France en 1937, Charles Goldstein n’a jamais connu la Pologne natale de ses parents. Ces derniers sont arrivés de Wisznice, afin d’échapper aux pogroms. « Nous vivions dans le Lot et, en 1944, les blindés de l’armée allemande ont cerné le village et raflé les juifs. J’ai été sauvé par un Juste parmi les nations qui m’a caché dans sa ferme. De nombreux membres de ma famille ont été massacrés à Auschwitz ou fusillés sur la place du village. »
Heureusement, la vie de Charles Goldstein n’est pas faite que de drames. Il y a aussi les belles rencontres, déterminantes même. À commencer par un professeur de Jacques-Amyot. « Il s’appelait Monsieur Lemaître. Nous avions une heure de dessin par semaine, il avait trouvé que j’étais doué. Cela avait été le premier déclic. »
Sans oublier Marc Chagall que Charles Goldsmmtein considère « comme un Dieu ». « J’avais 16 ans quand je suis allé frapper à sa porte, à Saint-Paul de Vence. Je n’avais rien dans les mains, rien à lui montrer, simplement lui dire toute mon admiration. Pendant trois heures, je l’ai regardé travailler dans son atelier. Cela a boosté ma vocation. »
Et puis, il y a eu le réalisateur Jorge Semprùn mais aussi Roger-Calixte Poupart, un peintre de Vaux-le-Pénil. « On a beaucoup parlé peinture ensemble. Il m’a appris la sincérité, la rigueur. »
Alors, ce qui pousse Charles Goldstein à continuer aujourd’hui ? Le besoin de témoigner. « C’est fou comme l’Histoire ne nous apprend rien. La mémoire est périssable au contact du quotidien. J’ai décidé que je ne quitterai pas mon thème tant que les massacres continueront. C’est important de témoigner. Des rescapés d’Auschwitz continuent de raconter leur histoire dans les lycées. Encore aujourd’hui, cela paraît essentiel. »
Exposition du 19 juin au 7 septembre, à l’Espace Saint-Jean, à Melun, du mardi au samedi, de 13h à 18h et sur rendez-vous. Entrée libre.
Plus d’infos : 01 64 52 10 95.
Et, pour aller plus loin, les visiteurs peuvent assister à une conférence par Annette Gélinet suivie d’une visite de l’exposition avec l’artiste, vendredi 28 juin, à 17h et samedi 7 septembre à 15h.