Établie depuis 2000 ans, la présence d’une communauté juive en Europe a laissé des traces archéologiques, notamment des sépultures à partir du XIe siècle. Leur étude nous permet de définir certaines pratiques propres à la communauté juive.
Comment les Juifs à l’époque médiévale inhumaient-ils leurs morts ? Est-ce qu’ils se distinguaient dans leurs pratiques funéraires des chrétiens ? C’est sur ces questions que travaille l’archéologue Philippe Blanchard, spécialiste des sépultures juives du Moyen Âge.
Le choix de l’emplacement
Philippe Blanchard : « D’après les textes, on savait que les cimetières pour les communautés juives étaient placés en dehors des villes. L’archéologie le confirme à 99%. Ce n’était pas un rejet des chrétiens, c’est vraiment une recherche par les communautés juives d’un terrain qui soit pur, qui ne soit pas souillé. Ils recherchent une pureté rituelle, un terrain propre pour inhumer leurs morts sans qu’ils soient contaminés par des dépotoirs, des charognes qui traînent…
Forcément, il fallait transporter les morts sur un trajet parfois assez long, pour ça ils ont eu recours au cercueil et ils vont le généraliser un ou deux siècles plus tôt que les chrétiens. C’est probablement une question pratique car c’est le meilleur moyen de transport pour un mort. »
La position du corps
« Il y a aussi quelques gestes qui semblent vraiment très particuliers chez les Juifs, notamment la position des mains. Les mains vont toujours être le long du corps, éventuellement sur le pubis mais jamais sur le thorax, l’abdomen voire les épaules et ça par contre dans les cimetières chrétiens ce sont des positions que l’on retrouve très fréquemment. La position des mains est un très bon marqueur d’identification en revanche, mais il faut avoir une grande série pour pouvoir dire qu’on est sur un cimetière juif. »
La terre d’Israël
« Il y a aussi quelques gestes particuliers, comme placer un coussin de terre sous le crâne des défunts. On prend un coussin en tissu et on le remplit de terre. Les textes disent que c’est de la terre d’Israël, en fait les analyses qui ont été menées dans des coussins de terre qui étaient sous le crâne des défunts dans le cimetière de Bâle en Suisse ont montré que c’était de la terre qui venait simplement de quelques kilomètres du site. Donc c’est plus probablement un dépôt symbolique de terre vierge pour rappeler Israël, mais ce n’est pas de la terre ramenée d’Israël. »
Des défunts qu’on empêche de parler
« À Prague et en Pologne, à la fin de la période médiévale, voire à la période moderne, on trouve des squelettes dont les cavités oculaires ont été obturées par des pierres plates ou des petits tessons, ça c’est une pratique funéraire juive. Et puis, alors là on sort de l’époque médiévale, pour la période moderne en Pologne, la plupart des inhumations qui ont été fouillées ont révélé qu’il y avait des cadenas qui étaient déposés près du crâne voire sur la bouche des défunts. Ce sont des dépôts symboliques pour que le mort, semble-t-il, ne raconte pas ce qu’il a vu sur Terre dans l’au-delà. »
L’intégrité du corps
« Chez les Juifs, il est très important de conserver l’intégrité du corps. Les tombes ne se recoupent jamais, ça c’est une des constantes dans les cimetières juifs, comme les Juifs croient à la résurrection des corps, en fait il faut absolument que le squelette soit intact, à la différence des chrétiens où l’âme sort du corps et donc le squelette n’a plus d’importance. »