Un journaliste de «20 Minutes» témoin d’une scène antisémite dans le métro dont les héros sont encore des gilets jaunes, une enquête ouverte. Thibaut Chevillard, a raconté dans un thread devenu viral sur Twitter une scène dont il a été témoin entre des «gilets jaunes» rentrant de la manifestation parisienne et une dame âgée…
Les faits se sont déroulés samedi soir vers 23 heures dans une rame de la ligne 4 du métro parisien. Thibaut Chevillard, journaliste à 20 Minutes, a raconté dans un thread devenu viral sur Twitter une scène à caractère antisémite dont il a été témoin entre des « gilets jaunes » rentrant de la manifestation parisienne et une dame âgée.
« Je n’ai pas l’habitude de parler de ma vie personnelle sur Twitter. Mais j’ai été tellement choqué par ce que j’ai vu, ce soir, dans la ligne 4 du métro, que je ressens le besoin d’en parler ici. Je vais donc vous expliquer pourquoi, ce samedi 22 décembre, j’ai eu honte », raconte à 20 Minutes Thibaut Chevillard. « Un peu après 23h, nous sommes montés dans la rame à Réaumur-Sébastopol. A l’intérieur, trois « gilets jaunes », un peu éméchés, hurlant : « Macron dé-mis-sion ! » ».
« Je suis juive, je vous demande d’arrêter »
« Quand nous sommes montés dans la rame, ma compagne et moi, nous avons immédiatement vu ces trois personnes, visiblement éméchées, qui faisaient beaucoup de bruit. Nous ne faisions pas vraiment attention à eux, c’était trois types bourrés comme il y en a beaucoup dans le métro le samedi soir. Soudain, ils se sont mis à faire des quenelles, ce geste popularisé par Dieudonné. Et là, tout est allé très vite. Une dame âgée, cheveux grisonnants, assise derrière moi, s’est levée. Elle est allée dans leur direction et leur a dit que ce geste était antisémite. Elle a ensuite dit qu’elle était juive, que son père avait été déporté à Auschwitz et qu’ils devaient arrêter immédiatement », raconte Thibaut Chevillard.
« Mais les trois hommes ont rigolé et ont continué de faire des quenelles. L’un d’eux a lancé à la dame : « Moi aussi, j’ai été à Auschwitz » et je l’ai entendu dire que cela n’avait pas existé. Puis un autre s’est planté au milieu du couloir en hurlant à plusieurs reprises : « Dégage la vieille ! Dégage la vieille ! ». Un autre a dit : « On est chez nous ». C’était terriblement violent », ajoute Thibaut Chevillard.
Cette femme âgée leur a dit : « Ce geste est un geste antisémite. Je suis juive, j’ai été déportée à Auschwitz, je vous demande d’arrêter. » Les trois hommes n’ont pas arrêté pour autant. Ils ont rigolé, Puis l’un d’eux lui a répondu que les chambres à gaz n’existaient pas.
— Thibaut Chevillard (@TiboChevillard) 22 décembre 2018
« Pour se dire au revoir, ils ont fait des quenelles »
« La dame est retournée s’asseoir derrière moi, en silence, alors qu’ils continuaient de hurler. J’étais terriblement choqué par la violence verbale de ces personnes. Je me suis retourné, et lui ai dit : « Leur comportement est honteux, Madame, honteux ». Sur le moment, tout va très vite. Je ne m’attendais pas à ce que les événements prennent cette tournure. Pleins de choses me sont passées par la tête : Dois-je me lever et dire quelque chose ? Si oui, les autres passagers me suivront-ils ? Et si on se lève, que se passera-t-il ? On va se battre avec ces types bourrés ? Ce matin, je me dis qu’il aurait fallu qu’on réagisse autrement, mais comment ? », explique notre journaliste.
« Un des trois hommes est sorti du métro du côté de Saint-Germain-des-Prés. Pour se dire au revoir, ils ont fait des quenelles. Les deux autres se sont remis à chanter « Macron démission », et ils sont descendus à Montparnasse. La victime, elle, est descendue, la tête baissée quelques arrêts plus tôt ».
A l’arrêt suivant, elle est descendue, silencieuse, tête baissée. Eux avaient l’air très fiers de leur coup. Ils ont recommencé à scander « Ma-cron, dé-mis-sion ! Ma-cron, dé-mis-sion ! » A la station Montparnasse-Bienvenüe, ils sont descendus et ont disparu au milieu de la foule.
— Thibaut Chevillard (@TiboChevillard) 22 décembre 2018
« Si elle ressent le besoin de déposer plainte, elle pourra compter sur mon témoignage »
« Personne dans le wagon n’a repris leurs chants nauséabonds. La gêne était même palpable. Mais personne ne s’est levé pour prendre la défense de cette petite vieille. J’ai eu honte de ce que je venais de voir. Honte de ne pas avoir bougé. Ce soir-là, j’ai juste eu la gerbe. Si cette dame tombe sur ce thread, et si elle ressent le besoin de déposer plainte, elle pourra compter sur mon témoignage », ajoute Thibaut Chevillard
Si cette dame tombe sur ce thread, et si elle ressent le besoin de déposer plainte, elle pourra compter sur mon témoignage.
— Thibaut Chevillard (@TiboChevillard) 23 décembre 2018
« Tout sera mis en œuvre pour identifier ces individus », a tweeté Christophe Castaner
De très nombreux internautes ont repartagé depuis samedi soir les tweets de notre journaliste. De nombreux politiques, députés et membres du gouvernement ont également réagi sur Twitter, dont notamment Christophe Castaner, le ministre de l’Intérieur. « Ignoble et insoutenable. Tout sera mis en œuvre pour identifier ces individus. Ils doivent répondre de leurs actes abjects. Couvert d’un gilet jaune ou caché derrière un pseudo sur Twitter, l’antisémitisme doit être combattu de toutes nos forces », a tweeté Christophe Castaner.
Ignoble et insoutenable.
Tout sera mis en œuvre pour identifier ces individus.
Ils doivent répondre de leurs actes abjects.
Couvert d’un gilet jaune ou caché derrière un pseudo sur Twitter, l’antisémitisme doit être combattu de toutes nos forces.https://t.co/HdVB1brcEB— Christophe Castaner (@CCastaner) 23 décembre 2018
Une enquête ouverte, confiée à la Police régionale des transports
Alertée par des internautes, la RATP a indiqué ce dimanche matin que « la sûreté RATP et la police avaient été avisées de ce signalement », précisant toutefois que « les quais étaient équipés de caméras et non les rames de la ligne 4 ».
Bonjour, nous avons immédiatement averti les services de la Sûreté RATP, mais je ne peux pas confirmer les faits (les rames de la ligne n’étant pas équipées de la vidéosurveillance) et soumis à réquisition judiciaire pour être exploitées. Bonne journée, Mat.
— Ligne 4 RATP (@Ligne4_RATP) 23 décembre 2018
La préfecture de police de Paris a également indiqué ce dimanche en fin de matinée qu’une enquête avait été ouverte, confiée à la Police régionale des transports. Les enquêteurs vont notamment exploiter les différents témoignages et les vidéos des caméras installées dans les couloirs du métro.
A la suite de l’agression antisémite dans une rame de la ligne 4 du métro à Réaumur-Sébastopol hier soir, la Police Régionale des Transports de @prefpolice se saisit pour mener les investigations. pic.twitter.com/3675KTTvgK
— Préfecture de police (@prefpolice) 23 décembre 2018
De nombreux incidents ont éclaté ce samedi en marge du mouvement «des gilets jaunes», notamment à Paris sur les marches de l’eglise du Sacré Coeur où le chant antisémite de «La quenelle» a été chanté par plusieurs manifestants.