L’ancienne gare de voyageurs de Pithiviers (Loiret) va devenir un lieu de mémoire sur la Shoah, selon un accord convenu entre le mémorial de la Shoah et la SNCF a-t-on appris mardi auprès des porteurs de projet. Ce lieu sera dédié aux milliers de Juifs internés dans les camps du Loiret et déportés vers les camps de la mort durant la Deuxième Guerre mondiale.
Faire parler les sites
De l’époque, il ne reste que quelques murs de la gare, les rails aujourd’hui très peu utilisés (la gare est désaffectée depuis 1969), mais des milliers de fantômes de la Shoah. 16.000 précisément, passés par l’internement dans les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande entre 1941 et 1943. Dont 6.079 ont embarqué depuis la gare de Pithiviers, dans l’un des six convois en direction du camp nazi d’Auschwitz (deux autres sont partis de Beaune-la-Rolande, transportant au total 2.052 personnes). Vers l’extermination. Vers la mort.
Le Mémorial de la Shoah et la SNCF se sont associés pour que ces chiffres terribles ne restent pas que des chiffres, pour donner corps à la mémoire de ces corps. Depuis mai 2017, un projet de lieu de mémoire, dans les bâtiments aujourd’hui abandonnés – et amiantés – de la gare, est ainsi en cours.
Jacques Fredj, le directeur du Mémorial de la Shoah, est venu faire le point ce mardi 18 décembre sur l’avancement du projet. « L’aménagement sera modeste mais il va permettre d’approcher de plus près l’histoire de la déportation et la façon dont se met en place le crime à grande échelle. Il faut faire parler ces sites, puisque les camps en tant que tels ont été détruits », a-t-il annoncé.
« Il faut faire parler ce site, entrer dans la grande Histoire à travers des choses palpables », estime Jacques Fredj. Pour cela, le futur lieu de mémoire comprendra une salle principale qui replongera le plus précisément possible le visiteur dans le décor de la gare en 1942. « Les internés ne sont pas rentrés par l’intérieur de la gare ; mais on sait que les familles venues en visite, elles, y sont passées ».
Il s’agit donc, à l’aide des archives dont disposent la SNCF et le Mémorial, et du mobilier d’époque qui a pu être retrouvé ou conservé, de rendre concrets, matériels, sensoriels, sensibles, ces mois tragiques de 1942.
À côté de cet espace central, des salles pédagogiques spécialement destinées aux scolaires seront aménagées. Au total, cela constituera un espace de mémoire de 400 m².
« Lieu de mémoire » et non « musée », ce projet est complémentaire du Cercil – Musée Mémorial des enfants du Vel d’Hiv, ouvert en 2011 à Orléans et rattaché depuis le début de l’année 2018 au Mémorial de la Shoah. « C’est un moment important dans l’histoire du Cercil, une étape supplémentaire dans une longue marche commencée en 1991 » estime Hélène Mouchard-Zay, la présidente et fondatrice du Cercil. Le lieu sera aussi un point d’appui vers les traces de l’ancien camp d’internement et les stèles comprenant le nom des déportés, à quelques hectomètres de la gare de Pithiviers.
Quand le site verra-t-il le jour ?
Les annonces sur le calendrier sont à prendre avec prudence, car comme l’a souligné Stéphane Coursier, directeur régional de la SNCF en Centre-Val de Loire les travaux à effectuer sont considérables. Les affiches annonçant – un peu prématurément – le début des travaux en septembre 2018 sont d’ailleurs toujours collées sur les arbres à quelques mètres de l’ancienne gare.
De nombreuses études ont été nécessaires en amont. L’une des premières priorités pour la SNCF, qui prend en charge les travaux, sera le désamiantagedes bâtiments, dans lesquels il est aujourd’hui interdit de pénétrer. Puis viendront des travaux de démolition ou de remise à niveau. Suivront, enfin, l’aménagement de l’espace principal et des salles pédagogiques.
La première pierre sera posée au printemps 2019. Le Mémorial de la Shoah espère intégrer les lieux au premier semestre 2020, et les ouvrir aux scolaires et au public dans le courant de cette même année 2020.
Dimitri Crozet